LITTERall 28

ouverture

Le corps dans son animalité,
la publicité,
les miroitements sensoriels de la mémoire,
la pulsation du jazz face aux ruines de la guerre,
la déambulation entre écriture, gagnant du loto et paysages américains,
l’addiction et le capitalisme,
la physique nucléaire, la vie à l’usine,
le mot, la chose et comment les restituer par la traduction,
un feuillage,
une danseuse,
un mur capitonné,
l’apparition d’une buveuse à Berlin et son portrait côté pile / côté face,
une peinture panoramique bousculée par le populisme actuel,
la pitié, la maladie et le sexe,
la liberté,
la liberté de continuer.

Voici un petit aperçu de ce que vous tenez entre vos mains.
Le corps et ses expériences ?
Oui, le corps est au centre de ces pages. Sans angoisse, même si le mot Körper – corps, en allemand – nous entraîne avec ses sonorités entre le cœur, le chaos et la peur. La peur vraiment ? Ou le corps qui par son s en français dit le multiple tout en étant seul ? Cela se joue entre les langues, de l’allemand au français, et l’aventure peut se lire ainsi : nous avons un corps, il est plongé dans une époque, l’enjeu consiste à ce que ça tienne debout ou à peu près. Trouver l’équilibre. Funambulisme de la chair face au monde extérieur. Le fil est tendu, les organes ne sont pas muets, à nous de les écouter.

Pour approcher ces expériences, nous sommes allés chercher ce que les littératures de langue allemande et leur polyphonie ont à nous dire du corps. Quels corps au juste et quelles histoires entremêlées ? Nous avons lu, débattu, affiné, choisi. Ne pas se limiter à une forme, ne représenter aucune école, ni le moindre courant. Au contraire, ce sont dix voix qui incarnent autant de manières de concevoir la matière organique. Le corps est une géographie particulière. Ni duplicable, quand bien même la puissance technologique l’asservit en lui présentant tous les bienfaits de sa servitude volontaire. Ni interchangeable, dans la marchandisation perpétuelle du vivant. Mais surtout : les pages traduites ici n’apportent aucune conclusion. Le jeu est ouvert. Le coup de dés toujours disponible au hasard.

Dans les Histoires de théâtre dansé, la chorégraphe Pina Bausch, accompagnée de Raimund Hoghe et des photos d’Ulli Weiss, agit avec les corps, à Wuppertal et ailleurs, reflétant sur la scène de son imaginaire nos propres rêveries. Elle demande “une chose avec votre souffle”. Et tandis que les danseuses et les danseurs s’efforcent de rendre leur souffle visible, la chorégraphe dit en souriant : “C’est beau quand on voit vivre quelqu’un.”

Oui, faire l’expérience de son corps, de nos corps, entre la lutte, la disgrâce et la beauté.

Jean-Philippe Rossignol

sommaire

Esther Becker Comme des gorilles
traduction Lucie Lamy et Jeffrey Trehudic

Nico Bleutge Lacis – Belvédère – Sur la surface de verre
traduction Bernard Banoun

Wolfgang Borchert Voici notre Manifeste
traduction Françoise Toraille

Dorothee Elmiger New World Plaza
traduction Marina Skalova et Camille Luscher

Annette Hug L’ordre du merle
traduction Camille Luscher

Esther Kinsky Dire l’étrangeté
traduction Lucie Lamy et Jean-Philippe Rossignol

Friederike Mayröcker Poèmes
traduction Aurélie Le Née

Ulrike Ottinger Portrait d’une buveuse
traduction Lucie Lamy

Kathrin Röggla Panorama de la guerre des Paysans
traduction Bernard Banoun et Kai Stefan Fritsch

Ronald M. Schernikau Pitié – Continuez à baiser !
traduction Jeffrey Trehudic

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Jean-Philippe Rossignol


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Bernard Banoun
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Françoise Toraille
Jeffrey Trehudic
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édité par KOSMOPOLIT, 2021